Le digital, la recette gagnante de la Pâtisserie Laurent Duparcq
À Troyes, la pâtisserie Laurent Duparcq incarne à merveille la rencontre entre héritage artisanal et innovation digitale. Installée 5 Avenue Pierre Brossolette depuis 1967, cette maison familiale a su traverser les époques sans perdre son âme, tout en intégrant des outils numériques pour mieux répondre aux défis d’aujourd’hui. En lice pour le Trophée de l’Artisan 2025, elle démontre qu’on peut moderniser une activité artisanale sans renier ce qui fait son essence.
Une histoire d’excellence et de transmission
Derrière les vitrines de la pâtisserie se cache une histoire familiale impressionnante.
Créée par les parents de Laurent Duparcq, la maison a toujours cultivé l’exigence et le savoir-faire dans les domaines de la pâtisserie, la chocolaterie, la glacerie et le traiteur.
Formé aux côtés de son père dans les années 1980, Laurent se distingue très tôt : meilleur apprenti de France en 1990, il représente ensuite la France au concours international où il se classe 1er en chocolat et 5ème en pâtisserie, à seulement 22 ans. Il effectue par la suite son service militaire à l’Élysée (sous le Président Mitterrand), puis travaille dans de grandes maisons parisiennes comme Peltier, avant de revenir à Troyes en 1993. En 2009, il rachète officiellement l’affaire familiale. Depuis, il perpétue la tradition tout en insufflant une dynamique nouvelle, notamment à travers le numérique.
Aujourd’hui, l’équipe compte 12 personnes : 6 pâtissiers, 5 vendeuses, et 1 apprenti. Laurent participe à la transmission de sa passion en prenant des stagiaires des collèges et en accompagnant les jeunes dans la démarche de « Bravo les artisans », encadrée par la Chambre de l’Artisanat et des Métiers de l’Aube. Un effectif stable, fidèle, où la formation et la transmission sont des valeurs fondamentales.
La clientèle, quant à elle, dépasse largement les frontières de Troyes. La zone de chalandise s’étend d’ailleurs sur trois départements : l’Aube, l’Yonne et la Côte-d’Or. En boutique, la fréquentation atteint en moyenne 100 clients par jour du lundi au jeudi, et plus les week-ends.
Du papier à la caisse connectée, une évolution tout en douceur
Face à une hausse des coûts, à la nécessité d’améliorer l’organisation interne et à l’envie de renforcer sa visibilité locale, la pâtisserie a engagé un virage numérique aussi réfléchi qu’ambitieux.
Fini les bons de commande sur papier et les erreurs de recopiage : la caisse avec le logiciel OneTouch centralise désormais toute l’activité de l’établissement. De la gestion des ventes à l’analyse des paniers moyens, en passant par la fidélisation client, tout est intégré. Cette digitalisation, permise par Maubrey Bureautique, a permis d’améliorer la productivité, de réduire la consommation énergétique et d’assurer un suivi sans faille des commandes. Elle a également permis de mieux organiser le flux des arrivées des clients pour venir chercher leur commande en période de fêtes. En effet, des créneaux horaires sont communiqués aux clients afin qu’ils n’attendent pas trop longtemps dans les files d’attente. Mieux anticipés, les pics d’activité sont plus faciles à gérer. Cela a permis de revoir les plannings et d’introduire un roulement plus respectueux de l’équilibre vie pro/vie perso, avec par exemple un week-end de repos par mois pour les vendeuses.
Parallèlement, la base clients est désormais structurée. Elle permet non seulement un suivi individualisé mais aussi l’envoi de catalogues et de newsletters, contribuant à maintenir un lien privilégié avec les clients, y compris pour la partie traiteur. Cette activité s’adresse également à des entreprises de la région, avec des prestations “cocktails” ou encore des plateaux repas chauds livrés sur place.
Pour encadrer cette transition, la maison travaille également sur la conformité RGPD ainsi que la cybersécurité (entre autres avec des sauvegardes quotidiennes des données de caisse).
Une équipe impliquée et une organisation optimisée
Cette transformation numérique représente environ 16 heures de travail chaque mois, réparties entre les collaboratrices formées à la communication digitale et Laurent Duparcq lui-même, très investi dans la stratégie globale. Deux vendeuses sont aujourd’hui autonomes sur ces outils, et participent activement aux campagnes, notamment sur les réseaux sociaux.
Côté cuisine, la vidéo devient un outil de valorisation du savoir-faire. Mais filmer un geste métier ne s’improvise pas : il faut repenser l’espace, soigner la lumière, décomposer les étapes. Ce travail minutieux permet de révéler l’artisanat au plus grand nombre, et nourrit la fierté des équipes. Pour Laurent, c’est aussi une manière de mettre le client au cœur de la fabrication.
Une visibilité locale renforcée
La stratégie de communication repose sur une présence phygitale bien construite. Vidéos animées avec voix off par intelligence Artificielle, campagnes papier et digitale, refonte du site web (par le Studio Ikadia), QR codes… Chaque temps fort de l’année devient une occasion de prendre la parole, à la fois en boutique, sur les réseaux sociaux et dans l’espace public via les panneaux JC Decaux.
Les photos sont toutes réalisées par un photographe local, Skano Edho Vioquet, pour coller à l’identité de la maison. Le contenu est 100% maison, jamais issu de banques d’images ! Sur les réseaux, Instagram est la plateforme phare, suivie de Facebook, puis TikTok. C’est d’ailleurs le fils de Laurent qui gère le compte TikTok, dernier terrain d’expression en date pour toucher une clientèle plus jeune. Car si l’on parle beaucoup de tradition dans cette maison, l’innovation y a aussi toute sa place. Comme le résume Laurent lui-même : “Filmer son savoir-faire, c’est un plus pour parler de son métier”.
Aujourd’hui, la communauté en ligne est très majoritairement locale : plus de 1 600 abonnés sur Facebook, 1 100 sur Instagram, près de 400 avis Google. Le site web attire plus de 9 000 visiteurs uniques par an, avec 20 à 30 demandes mensuelles via le formulaire.
Une vision tournée vers l’avenir
Avec une croissance de près de 40% de son chiffre d’affaires en quatre ans, une équipe plus performante, une organisation repensée, et un lien client renforcé, la pâtisserie Laurent Duparcq illustre parfaitement ce que le numérique peut apporter à un artisan. Un site de click & collect est en préparation, soutenu par la région Grand Est, et la vidéo restera au cœur des futures campagnes.
Si la pâtisserie Duparcq brille aujourd’hui par ses créations, elle le doit autant à la qualité de ses produits qu’à sa capacité à évoluer. Un bel exemple de transition numérique réussie, portée par la passion, la rigueur… et un sens aiguisé du goût autant que du clic.
Une dynamique qui profite à tout un secteur
L’impact du numérique dépasse les murs de la pâtisserie. Laurent Duparcq le constate : à Troyes, ces initiatives créent une véritable émulation entre artisans. Chacun s’inspire, se compare, s’encourage. Cette visibilité nouvelle tire le secteur vers le haut, et contribue à moderniser l’image de l’artisanat local.
Mais selon lui, cette transformation devrait commencer dès la formation. Si des modules de formation Facebook ou Instagram existent en chambres consulaires, il serait pertinent d’introduire le numérique dans les écoles de pâtisserie. Car aujourd’hui, maîtriser des recettes ne suffit plus : il faut aussi savoir valoriser son savoir-faire, gérer son image et comprendre ses outils de gestion.