Success Stories

Michelin : le digital au service de la performance énergétique

Tous les Aubois connaissent le site Michelin de La Chapelle Saint-Luc. Il est l’un des plus gros sites industriels du département, représentant d’une marque chère aux Français, créée en 1889, qui emploie aujourd’hui 130 000 salariés, et qui exporte dans le monde entier ! Le site aubois, dont le bâtiment principal s’étend sur 800 mètres de long et emploie environ 650 salariés, transforme de la gomme en pneumatiques agricoles, à travers un process rationalisé et des étapes qui se terminent à la « cuisson » (plus de précisions ci-dessous). Un process naturellement énergivore, qu’il est nécessaire d’optimiser.

C’est à travers un projet ambitieux sur ce sujet de l’énergie, qui conjugue technologie, sobriété et engagement humain, que l’usine chapelaine est nominée aux Trophées du Numérique 2025 dans la catégorie “Trophée de l’industriel”.

Optimiser l’énergie, un défi de taille

Le groupe Michelin évolue avec les exigences de son temps et se doit de préserver ses avantages compétitifs. Il s’est ainsi fixé 6 axes stratégiques prioritaires… en d’autres termes 6 batailles à gagner absolument, parmi lesquelles celle de la digitalisation et de la donnée, ainsi que celle de l’énergie. Dans cette optique, le groupe a fixé à ses différents sites un objectif de réduction de la consommation énergétique de 3 % par an. Pour atteindre cet objectif (… voire le dépasser !), les équipes en local ont concentré leurs efforts sur la principale source de consommation d’énergie du site : la vapeur.

70 % de l’énergie du site est consommée par la production de vapeur, et 75 à 80 % de cette vapeur (hors chauffage et quelques autres usages) est utilisée pour la phase de cuisson des pneus, qui permet d’assembler les quelques 20 pièces différentes en moyenne pour réaliser un pneu. Ce sont ces pneus qui, après un contrôle qualité intraitable, permettent aux agriculteurs d’Europe, des USA et d’ailleurs de faire rouler leurs engins sur les routes goudronnées, comme dans des champs à la terre meuble, dans les meilleures conditions.

Si la performance énergétique était mesurée depuis longtemps et les process optimisés au sein de l’usine, Michelin s’est attaqué de front à la réduction des fuites, inévitables, qui apparaissent régulièrement sur les kilomètres de tuyauteries, vannes, purgeurs, en fonctionnement continu.

Un projet sur-mesure

C’est ainsi autour de cette problématique que Baptiste Debrun, l’animateur Performance Energie du site, a été chargé de mettre en place un véritable projet, pour répondre aux exigences du groupe et être dans une démarche d’amélioration continue vertueuse. L’essentiel des capteurs (débitmètres et capteurs de pression) et le réseau étaient déjà présents, la suite logicielle PI OSIsoft également ; mais l’ajout en 2024 de quelques capteurs, l’adaptation de la tuyauterie, les briques logicielles complémentaires, pour adapter les équipements et étendre le périmètre du projet, ont tout de même représenté un investissement de 50 000 € pour l’entreprise.

C’est donc en 2023 que la démarche a été mis en place pour améliorer la détection des fuites et réduire la consommation de vapeur. Mais un projet de ce type ne se fait pas qu’en termes d’investissement et de technologie. En dehors des services supports, dont les Data Administrateur et Manager, ce sont les 15 membres de l’équipe de maintenance dédiée à l’étape de cuisson, qui ont été intégrés à la démarche ; ceci notamment à travers des réunions bi-hebdomadaires, pour s’approprier les technologies, pouvoir faire des retours terrain, et rendre au final le dispositif plus adapté et efficace.

Des résultats au-delà des espérances

Après la phase de mise en place, les résultats ont pu être mesurés et ont été plus que probant, puisque le projet a permis l’année dernière un gain de 13 % sur la consommation de vapeur pour la cuisson ! … et l’équipe ne compte pas s’arrêter là, car il y a encore des marges de progression dans la démarche, qui devraient permettre de réduire la consommation dans les mêmes proportions sur l’année en cours.

 

Le bénéfice est donc palpable et mesurable, en termes d’économies et d’impact sur la planète, mais il ne s’arrête pas là : la réduction des fuites permet une production plus stable et donc moins de non-conformités en termes de qualité (représentant un gain financier également) ; moins de fuites, c’est aussi moins de risques d’accidents pour les opérateurs de maintenance, c’est plus de confort auditif, c’est une maintenance préventive plus efficace avec un gain de temps sur l’identification des fuites (ciblage de zones), l’évolution des compétences et la formation des collaborateurs,…

Le groupe Michelin met l’accent sur l’attention aux personnes et la technique (« care and tech »), ce qui se ressent à travers ce projet : d’un côté, les résultats sont mesurables via les indicateurs chiffrés ; et de l’autre, les bienfaits se mesurent également à travers le retour du responsable maintenance lors du passage de PN10 dans l’entreprise, qui manifeste sa satisfaction sur la démarche engagée, qui donne du sens à l’action, et que l’équipe s’est pleinement appropriée.

Au passage, pour que chacun dans l’équipe maintenance soit conscient de l’intérêt de la démarche, les économies d’énergie réalisées par les actions menées ont été converties en équivalent d’énergie consommée par des foyers. Cela donne un point de comparaison concret et est une source de motivation supplémentaire pour les collaborateurs.

A noter également que l’équipe projet est vigilante sur l’énergie consommée par les données générées : la sobriété est de mise (sur la durée de stockage des données, notamment, et sur la compacité des codes), pour que l’énergie économisée par la production ne se transforme pas en énergie consommée par le numérique ! La réalité de ce type de projet tient dans une vision globale, des choix pertinents, et des justes compromis à trouver.

Pourquoi s’arrêter en chemin ?

On pourrait se dire que l’essentiel du travail a été réalisé. Mais pourquoi se satisfaire d’une démarche qui a permis de maîtriser des outils de pilotage, qui répond aux attentes des collaborateurs, et qui présente encore des marges de progrès ?

D’autant plus que les résultats obtenus, mesurés factuellement, constituent des atouts pour proposer à la direction de nouveaux investissements, afin d’aller encore plus loin, avec un retour sur investissement palpable.

Parmi les évolutions envisagées : l’intégration de l’Intelligence Artificielle et la détection des fuites non pas par ligne de production (avec réinterprétation des données), mais par presse, via la plateforme Dataiku ; des analyses de données plus robustes, avec la compilation de différentes sources et l’accumulation d’expérience ; dupliquer le process pour réduire les fuites d’air comprimé et d’eau à l’avenir ; partager davantage l’expérience avec d’autres sites.

C’est pour leur capacité à mener ce type de projet que les groupes doivent nous inspirer : des valeurs vertueuses, la prise en compte de préoccupations écologiques au sein d’une activité économique, du professionnalisme, de la technologie, une démarche impliquant les équipes… et des résultats mesurables. Que demander de plus !